Les pierres précieuses brutes ne peuvent pas être serties en l’état par les joailliers. En quoi consiste votre travail et pourquoi est-il nécessaire pour révéler la beauté d’une pierre ? Si vous observez une pierre brute, vous constaterez immédiatement que la lumière ne passe pas et que les couleurs ne sont généralement pas aussi vives que sur une pierre taillée. Le but du lapidaire est de mettre à jour sa beauté en révélant sa brillance et l’intensité de sa couleur. On commence tout d’abord par ébaucher la pierre brute afin de déterminer sa forme et décider où seront placées la table et la culasse de la pierre une fois taillée. À partir de là, il s’agit de former des facettes qui seront ensuite polies avec divers disques ou meules. Pour les corindons (rubis, saphirs), j’utilise une meule de polissage en cuir. Pour les béryls (émeraudes, aigue-marines…), plutôt un disque en étain. L’objectif est de réussir à faire briller la pierre au maximum en respectant les angles des facettes.
La forme d’une pierre brute détermine-t-elle la taille qui sera ensuite privilégiée ? Il y a une quarantaine d’années, dans les
pays producteurs de pierres précieuses, il y avait une forte tendance à perdre le moins de matière possible lors de la taille de la pierre. Les gemmes étaient donc souvent taillées en poire ou en ovale et, une fois en Europe, les joailliers avaient toutes les difficultés du monde à les sertir. Ce qui nécessitait qu’un second lapidaire les taille correctement. Aujourd’hui, on essaie de choisir le type de taille en fonction de la pierre brute mais on le fait de la bonne manière. Si la pierre n’est pas d’une grande qualité, on privilégiera une taille cabochon qui permet de ne pas faire ressortir les inclusions. Si la pierre est belle, on la taillera plutôt en facetté.
La couleur de la pierre brute est-elle également importante ? À l’état brut, la couleur des pierres précieuses n’est pas toujours homogène. Prenons l’exemple du saphir : si on souhaite obtenir une grosse pierre, on taillera la culasse dans la partie la plus teintée. Cela permet de rendre la couleur homogène sur toute la pierre. Sur les plus petites gemmes de couleur, on placera la couleur sur la table.
La taille permet donc d’intensifier la couleur… C’est surtout une histoire de lumière. Pour obtenir la meilleure brillance sur des pierres plutôt claires comme l’aigue-marine ou la tourmaline, on essaie de tailler un maximum de facettes. Pour les pierres foncées comme le saphir, le grenat ou la tanzanite, la lumière se diffuse mieux avec des facettes plus grandes.
Toutes les tailles de pierres sont-elles possibles ? Il y a des tailles classiques utilisées par les joailliers comme la taille émeraude, la taille brillant, la taille poire, le rond, l’ovale… Il en existe en réalité une multitude de variétés que l’on choisit en fonction de la qualité de la pierre, de sa forme et de sa couleur.
Employez-vous les mêmes techniques en fonction du type de pierre à tailler ? Elles ont toutes leurs spécificités mais on procède plus ou moins de la même façon pour tailler les pierres de couleurs. Le diamant, lui, est à part. On peut même dire que c’est un tout autre travail. Les diamants bruts sont expertisés de la même manière que les autres pierres mais leur dureté nous oblige à les tailler avec d’autres méthodes. Pour tailler chaque facette, le lapidaire doit trouver précisément l’angle de cristallisation. La vitesse des meules en fonte ou en acier est trois fois plus rapide que pour les pierres précieuses de couleurs. Je dirais que c’est plus facile pour un diamantaire de devenir lapidaire que le contraire. Tailler un diamant brut est une opération difficile qui nécessite une grande expertise.