Vous avez consacré une exposition au thème du temps il y a quelques mois. Pour quelle raison ?
Le temps est un sujet qui me passionne en tant qu’être humain mais aussi en tant qu’artiste. C’est un beau thème de réflexion en lien avec l’univers, sa création, l’empreinte de l’Homme. Je crois que le temps est un ennemi pour l’être humain car il limite les choses, il les cadre et donne une date de début et de fin. Peu importe les tâches à accomplir, l’Homme sera toujours tenu de finir dans les temps, même s’il doit abaisser ses exigences de qualité. La pression sur l’être humain ne lui permet donc pas d’être lui-même et de vivre en symbiose avec la nature ou tout ce qui l’entoure. C’est ce reflet de l’Homme et des effets du temps que je cherche principalement à retranscrire dans mes oeuvres. J’essaie de faire prendre conscience au public de ce qui l’entoure.
Vous considérez l’artiste comme un gardien du temps. Qu’entendez-vous par cela ?
L’artiste est un gardien du temps à travers les oeuvres qu’il crée à différentes époques de sa vie. Il observe tout ce qui l’entoure et le traduit sous la forme artistique par le biais de divers media. Il est présent pour marquer le temps, pour figer les moments. En tant que peintre, j’aime prendre de la hauteur, assis sur mon nuage, à observer la terre avec un regard attendri et critique. Je passe du temps dans la nature. Randonnées à pied, en vélo ou à ski m’aident dans cette quête.
Quel est le rôle du temps dans la création picturale ? Quelle est la part de spontanéité dans votre oeuvre ?
En peinture, prendre son temps est essentiel pour réaliser une oeuvre. Le sujet est réfléchi, le dessin et la composition travaillés jusqu’à satisfaction, l’harmonie étudiée. Il n’est pas rare que je fasse des esquisses préalables avant de me décider pour la toile finale. Je ne me jette jamais sur une toile comme cela, au hasard. La peinture nécessite toutefois de la part de l’artiste de se connecter au maximum avec l’oeuvre afin d’être dans la spontanéité à 100%.
Dans votre travail, quelle est la chose que vous avez mis le plus de temps à comprendre ?
Tout simplement que prendre le pinceau, ne serait-ce que pour 10 minutes, en vaut toujours la peine dès lors qu’il s’agit de porter ses idées sur une toile.
Quel regard portez-vous sur votre oeuvre, au passé et au présent ?
Quand je me retourne, je constate surtout que mes oeuvres dépeignent un univers qui se fragilise, qui se déstructure au fur et à mesure que passe le temps. Si je retourne dans le passé, je me rends compte de tout ce que j’ai pu apprendre. Cela me permet aujourd’hui de faire évoluer mon art grâce à mon expérience et aux nouveaux outils et techniques que j’utilise vers des oeuvres plus déstructurées dans leurs matières. Pourquoi une évolution vers la déstructuration ? Tout simplement parce que, débarrassées des limites que la société nous impose, les oeuvres que je propose s’inscrivent dans un monde sans limites.
Et demain ? Quels sont vos projets ?
Je poursuis mon travail sur la déstructuration à travers divers media. L’accélération de la notion de temps consécutive à la modernité est venue déstructurer la nature qui perd du terrain, déstructurer l’être humain et le rendre plus agressif, rongé par la technologie, le stress et l’hystérie. Pour illustrer cette réflexion sur la déstructuration de la matière par l’être humain au profit de l’accélération de la technologie, je vais dépasser le cadre de la peinture et m’exprimer aussi par le biais de la sculpture. La démarche est la même : quelles que soient mes oeuvres, je cherche à sensibiliser les gens sur le sujet de la nature.