Posées sur un meuble, fixées sur un mur ou dans un clocher, les horloges assument une posture décidément plutôt statique ! En tout cas, davantage que les montres de poche et montres-bracelets, capables de suivre de (très) près leurs propriétaires. Ces particularités leur ont valu des développements et une histoire bien à elles, qui ont alors aussi profité de toute la science de la mesure du temps.
Le XIIIe siècle : s’éloigner de l’à-peu-près
Les mécaniciens de l’Antiquité savaient déjà utiliser la gravitation terrestre et les poids pour entraîner un mécanisme. Ils connaissaient aussi les roues d’engrenage, idéales pour transmettre l’énergie. Pourtant, un chaînon manquait à la mesure précise du temps : la régulation de la vitesse de rotation des rouages. Ce fut le cas avec les premières horloges modernes, probablement dès la fin du XIIIe siècle, qui devinrent plus exactes grâce à l’ajout d’un régulateur (échappement). Le premier type d’échappement était un « foliot ». Ce nom signifiait littéralement « fou » en ancien français, en raison des mouvements très agités de l’oscillateur. À la même époque, dès le XIVe siècle, les horloges murales d’intérieur se répandent, elles aussi. Ces objets – alors terriblement high-tech ! – permettent d’afficher la richesse et la modernité de leur propriétaire, mais aussi son autonomie par rapport à l’heure publique, religieuse ou civile.
La révolution du pendule
En 1656, le mathématicien, astronome et physicien hollandais Christiaan Huygens est à l’origine d’une horloge à pendule véritablement extraordinaire : sa précision passe de 15 minutes…
à 10 ou 15 secondes par jour ! Ce pas de géant est dû à l’isochronisme – la régularité – du pendule, dont l’oscillation reste constante. Avec une telle exactitude, les aiguilles des minutes et des secondes deviennent pertinentes et sont ajoutées aux cadrans. D’ailleurs, le dispositif du pendule n’est ni coûteux ni complexe. Les horloges existantes sont donc rapidement « mises au pendule », selon l’expression de l’époque. Les recherches et développements se poursuivent. Les inventions du balancier-spiral et du ressort de barillet – sans poids cette fois – permettent de se déplacer avec l’heure pour des montres de voyage, de carrosse ou des chronomètres de marine, synonymes de grandes découvertes.
Horloges internationales
Angleterre, Forêt-Noire, Autriche, France, Suisse figurent parmi les pays où se développe la fabrication des horloges. À la fin du XVIIIe siècle, les Français produisent des mouvements en série, parfois somptueusement ornés de décors en bronze sculpté. Les modes se succèdent avec les pendules squelettes, épurées, mais aussi plus tard avec des modèles décidément exotiques, aux moult palmettes et personnages. Apparue dès 1660, l’horloge comtoise (Morbier) est très populaire – robuste et d’une grande variété de décors – avec son poids-moteur et son long balancier.
La tradition horlogère anglaise s’exporte en Amérique. Bientôt, l’horloge murale américaine type, dite « de Massachussetts », voit le jour, faite d’acajou et posée sur une console. Horloges américaines mais aussi répliques de pendules françaises, de Forêt-Noire, de régulateurs viennois et de réveils sont produites dans de gigantesques manufactures qui concurrencent la production européenne.
Quant à la bien connue horloge neuchâteloise, elle est inspirée des styles français à la mode entre 1750 et 1850, comme le style Louis XV. Sa fabrication tombe lentement en désuétude dès le milieu du XIXe siècle,
la demande se tournant plutôt vers les montres de poche. Aujourd’hui, les pendules aux designs contemporains, telles que l’Atmos de Jaeger-LeCoultre, les créations d’Erwin Sattler
LA CONTEMPORAINE – Erwin Sattler
Design racé, raffinement minimaliste, précision technique : à mi-chemin entre un design ultra contemporain et une mécanique qui célèbre la tradition horlogère, la manufacture allemande déploie une collection très élégante des pendules murales et des horloges de table. Elle réalise aussi des pièces exceptionnelles telles que Rotalis 15, un coffre-fort mural pour montres-bracelets, équipé de remontoirs ainsi que des instruments de mesures tels un thermomètre ou un baromètre.
LA POÉTIQUE – Around Five
La notion du temps qui passe est intimement liée à la quête de précision. Mais le temps ne se réduit pas à cela. Il est aussi poésie. Ce temps aérien, la marque suisse Around Five s’en empare à travers ses horloges architecturales d’un genre nouveau. Sur l’horloge Odyssée du Soleil, la lecture de l’heure s’effectue grâce au déplacement du soleil le long d’une structure architecturée. L’horloge Sculpture du Temps décline quant à elle le passage des heures via le déplacement d’une voile sur la ligne du temps. Un pur plaisir visuel, comme une invitation à la contemplation.
L’ASTUCIEUSE – Atmos de Jaeger-LeCoultre
Ingénieuse quasi au-delà du réel, l’Atmos se remonte toute seule, et pour toujours. Inventé en 1928, son mécanisme contient un mélange de gaz encapsulé qui se dilate ou se contracte selon les variations de température. Imaginez qu’une variation de température d’un seul petit degré lui permet de fonctionner pendant 48 heures. L’Atmos se distingue aussi par son incroyable design largement ouvert sur ses rouages intrigants.ou d’Around Five, sont prétextes à créativité et innovation. Les horloges modernes ont pris le pas sur la production des pendules traditionnelles qui s’est quant à elle raréfiée. Et pourtant, ces témoins d’un autre temps pourraient bien redevenir objets de convoitise…
Lionel Meylan, la passion des horloges
Horloger de formation et ingénieur en micromécanique, aujourd’hui retraité, vous restaurez des pendules depuis 40 ans. Pourquoi cela vous plaît-il donc tant ?
J’aime le défi de redonner vie à un mécanisme, comprendre comment les fonctions ont été conçues à l’origine. Au début, les rouages étaient fabriqués manuellement, à l’aide d’un outillage rudimentaire, une lime, un diviseur. Les horloges anciennes ont un côté « organique », et ne sont ni stéréotypées, ni calibrées. Restaurée avec respect, une pendule ancienne est immortelle.
Que vous inspire la dimension sonore des horloges ?
La pendule est un personnage avec un visage, son cadran, et une voix, sa sonnerie. Aux XVIIIe et XIXe siècles, la fabrication des cloches était un art, avec leurs alliages complexes capables de produire un son clair et persistant. Il existe de nombreuses variations de sonneries, par cloches ou timbres, avec des sons cristallins ou profonds. Sans oublier le fameux coucou ! Mais le balancier des horloges émet aussi un tic-tac, qui peut battre la seconde sur les pendules les plus imposants, ce qui se rapproche de la fréquence cardiaque, avec un effet très apaisant.